Aujourd'hui je suis passée devant mon boulot. Gros coup de déprime, vent de panique à l'idée d'y retourner dans deux mois, de reprendre ma vie d'avant. Sans mon gros ventre, sans leurs bonnes intentions. Poupinou in the crèche - terminées les journées de bonheur absolu. Comme tout le monde je verrai mon bébé le matin un p'tit peu, et le soir un p'tit peu. C'est ça la vie. Déjà dès demain c'est mon homme que je ne verrai plus qu'un p'tit peu. Il a trouvé un boulot normal. Il se lèvera à 7h30 se rasera et partira au turbin sacoche en main. Moi qui nage dans le principe de plaisir comment j'vais faire ? Je voudrais tout ma vie prendre mon temps. L'observer. Le regarder filer, lentement. Passer sa vie à travailler, ah ça non. Tout nous échappe. Tout s'accélère, parce que dès le lundi matin on espère qu'une chose, c'est arriver au vendredi soir.
Alors forcément on ferme les yeux la semaine durant, on regarde là où on nous dit de regarder, on fait ce qu'on nous dit de faire. Et puis on ouvre enfin les yeux, semaine achevée, deux jours de liberté devant nous, deux jours qu'on espère lents et plaisants, on voudrait en profiter, mais ils nous glissent entre les doigts, et s'enfuient aussi vite que les jours de labeur. La valeur travail ! La valeur rien-foutre, oui ! J'aime mon boulot mais ce soir je clame mon immense désir de ne plus y foutre les pieds ! Je suis nulle, j'ai pas envie d'être à ma place, j'la donnerais bien tiens ! J'veux pas écouter, analyser, prendre des décisions, gérer, m'interroger, travailler en équipe, bah !! J'veux pas voir leurs têtes ! Ni entendre leurs plaintes, leurs gémissements, leurs angoisses ! Bah ! J'veux rester au chaud dans ma p'tite bulle de joie avec mon chéri mon bébé mon connard de chat et mon p'tit chez-nous. J'veux rien qu'du plaisir rien qu'du bonheur que des beaux projets, j'veux rester sur mon nuage, pas redescendre - pour quoi faire - balayer le principe de réalité, camper sur ma position de grande gamine qui veut pas r'tourner à l'école. Et puis c'est tout.
